Fantasmes de psy au Off d’Avignon. On connaît tous Josiane Pinson, silhouette élancée, cheveux coupés court, voix rauque aux multiples modulations, sourire tendre ou carnassier. Dans ce seule en scène, la belle s’est intéressée depuis plusieurs années aux rapports ambigus qui régissent la relation psychothérapeute/patientes. Car ce sont surtout des problèmes (fantasmes ?) féminins qu’elle met en scène pour le plus grand bonheur des spectatrices et – osons le dire – des spectateurs… Ces messieurs s’interrogent : sommes-nous vraiment différents ? Sommes-nous la cause de ce dérèglement psychique ?
Un large fauteuil rouge vermillon occupe le milieu de la scène et c’est parti pour un défilé irrésistible de névroses en tous genres. Josiane n’a peur de rien, ne se soumet à aucun tabou et démarre son spectacle dans un cimetière, face à la tombe de la mère fraîchement enterrée mais d’une présence terriblement envahissante (voix inimitable de Judith Magre). La mort n’efface rien, elle peut même amplifier nos remords.
Troisième et dernier volet de la trilogie Psycause(s), cet opus cache, derrière une élégance trompeuse, une multitude de cas tous plus cinglés les uns que les autres. Mais que la réalité ne démentirait certainement pas. Patientes et médecins n’ont rien à s’envier et le texte d’une efficacité troublante, appuie toujours là où ça fait mal : et cela démarre très fort, avec les ravages psychologiques des familles éclatées, sur le mental d’une petite fille.
Défilé de frappadingues, vitriol et sirop d’orgeat… On rit beaucoup devant ce défilé de frappadingues, un rire qui parfois se crispe ou se teinte en jaune tant il nous renvoie à nos propres fêlures. Josiane Pinson, hiératique, aborde les thèmes les plus marginaux sans jamais se départir d’un maintien aristocratique, d’une sincérité à toute épreuve. Elle mêle vitriol et sirop d’orgeat avec une assurance qu’on devine fragile. Elle ignore superbement le sur-jeu et captive notre attention jusqu’à ce que s’éteigne le dernier projecteur.
Du grand art pour un seule en scène sans exhibition, même si les sujets traités tournent toujours autour du même thème : notre sexualité. Mais n’est-ce pas notre principal moteur et surtout notre principal tourment ? Freud et Lacan doivent sourire de reconnaissance, les psys, souvent nombreux dans le public, approuvent avec des battements de mains qui dénotent un réel enthousiasme. Que nous partageons en toute fraternité. Car les hommes eux aussi ont des comportements qui ouvrent les portes de nos asiles psychiatriques à nos chères (et encombrantes !) élues : « Il m’a embrassée délicatement (…) et il m’a dit qu’il me quittait ». Tout est dit.