B. Métayer : “ Ce n’est pas un one-woman-show, ce sont des histoires de femmes …”.
La vie professionnelle et privée d’une top manager
Originaire du Havre, la comédienne et auteure Blandine Métayer sera présente lors de la 8e édition de Normandes en tête, le vendredi 8 mars 2019, au Centre international de Deauville. Elle présentera des extraits de son spectacle Je suis Top ! conçu en 2010. Rencontre.
Pourquoi écrire sur le thème de l’égalité homme/femme dans le monde du travail ?
J’avais déjà fait un premier solo sur scène avec Célibattante en 2002 qui parlait de la vie en solo au féminin qui est une expérience très différente de celle des hommes. Et en parallèle à ma carrière, depuis les années 2000, j’interviens avec la société « Changement de décor », qui produit aussi mon spectacle, en entreprises pour faire des pièces sur mesure. J’ai pu observer beaucoup de choses, nouer des contacts avec des femmes et des hommes. Et en 2010, je me suis dit qu’il fallait que je fasse un spectacle sur ce sujet fort que j’avais sous les yeux depuis plusieurs années : l’histoire d’une femme, une « top manager » au sommet de sa carrière. On y suit sa vie personnelle et professionnelle.
Comment s’est passée l’écriture de la pièce ?
En un week-end, j’ai écrit l’histoire et la structure de la pièce. Et puis j’ai commencé par interviewer une dizaine de femmes que je connaissais, à des postes élevés, qui m’ont présenté leurs copines. Au final, j’ai interrogé une quarantaine de femmes et quelques hommes aussi. Elles avaient de 25 à 55 ans. Elles étaient à différents postes, de la stagiaire à la PDG. Et elles venaient de tous les secteurs. Pour cette pièce, j’ai travaillé avec la sociologue Cécile Ferro pour étudier le parcours des femmes, des études aux emplois. J’ai aussi échangé avec Brigitte Grésy, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
« Ça reste une œuvre de fiction »
On a l’impression que c’est plus une enquête qu’un spectacle…
C’est vrai que les journalistes me disent souvent que ma démarche se rapproche de leur métier. Mais j’avais mon histoire, mes idées. J’ai pris ce qui allait bien avec et ça reste une œuvre de fiction. Je suis seule sur scène, mais en fait, on est tellement. Ce n’est pas vraiment un one-man-show mais l’histoire de ces femmes.
Selon moi, être auteur c’est être observateur. Un messager. C’est pour ça que j’aime bien faire des pièces sociétales. En mars 2020, je ferai une pièce sur le parcours de cinq femmes dans la prostitution qui est tirée d’une masse de témoignages. Pour moi, c’est intéressant de faire une vraie pièce. Je ne sais pas écrire juste pour écrire. Il faut que ça ait du sens, que ça raconte quelque chose.
Vous pensez que le rire peut mieux faire passer le message ?
J’aime faire passer ce problème de société avec le rire, l’émotion. Mon personnage n’est pas donneur de leçon. J’expose une vie et après, les gens réfléchissent. Il y a des passages très drôles, d’autres sensibles, même parfois dramatiques. On n’est pas obligé de faire rire tout le monde, le tout c’est qu’ils ressentent quelque chose.
« Les mentalités évoluent très lentement »
Depuis 2010, qu’est-ce qui a changé ?
Depuis, évidemment, je continue à m’y intéresser comme je continue à jouer mon spectacle. D’ici à 3 ans, les entreprises devraient avoir fait le nécessaire pour plus d’égalité en termes de salaire, de promotion. Il y a un arsenal de lois, par exemple pour favoriser le retour à l’emploi après un congé maternité. De ce côté-là, ça bouge. Par contre, les mentalités évoluent très lentement. Ma pièce a été adoptée en roman graphique. Quand j’ai reçu le Prix Social Bd, un prix remis par des lycéens, des filles sont venues me voir à la fin pour faire dédicacer le roman. Elles m’ont dit : « on s’est battu pour que ce soit vous. Ce que vous dites dans le livre, on le vit aussi. » Ce qui est bien, c’est qu’elles en sont conscientes. Mais c’est loin d’être gagné. On note même en ce moment une certaine forme de régression
Et votre spectacle a lui aussi évolué depuis 2010 ?
En 2012, j’avais ajouté un passage sur l’hypersexualisation des filles, par exemple dans les clips. Après, je me tiens au courant au cas où des choses de mon spectacle soient dépassées. Je veille à ce qu’il soit toujours en phase avec le monde actuel. Mais non, la pièce est presque davantage d’actualité aujourd’hui qu’en 2010.
À Deauville, qu’allez-vous présenter ?
Pas la pièce complète, seulement deux extraits : l’un sur l’égalité professionnelle, l’autre sur la maternité. J’espère que ça donnera envie aux gens de venir le voir en entier. Et j’espère retourner à Deauville pour le jouer dans son intégralité. En plus, je suis Normande, originaire du Havre, donc je connais bien Deauville. Je venais très régulièrement quand j’étais petite avec mon grand-père. Ce sont des souvenirs que l’on n’oublie pas.